Première Écoute
Si Exodus : Gods And Kings semble s’être noyé dans une mer, rouge de critiques négatives, sa BO a été sauvée des eaux. Détails :
Des orchestrations pharaoniques
79 minutes de musique et point de désert musical. Cette BO très riche, recèle même des morceaux particulièrement complexes et vifs, dans le style épique. Ce style étant le point faible d’Alberto Iglesias, le compositeur espagnol s’est vu entouré de Harry Gregson-Williams et de Federico Jusid qui y sont plus à l’aise, tandis qu’Alberto Iglesias a plutôt travaillé les sonorités et les ambiances plus lyriques voire intimistes. Les 2 complices d’Iglesias ont fait parler la poudre surtout Harry Gregson-Williams qui signe les 2 morceaux les plus épiques et les plus denses musicalement, (Hittites Battle et Tsunami). De son côté Federico Jusid a aussi fait valoir son sens de l’exaltation musicale avec The Coronation, Ramses Retaliates, Ramses’ Orders, Lamb’s Blood et The Chariots. Des compositions additionnelles impressionantes qui vont dans le sens du côté spectaculaire et grandiose que Ridley Scott aime donner à ses films, Exodus : Gods and Kings n’y échappant pas. Mais pour la touche émotive, majoritaire dans le film, Ridley Scott a bien fait de recruter Iglesias, un compositeur au style musical hautement émotif et captivant. Et c’est par lui que la BO prend une identité plus qu’intéressante.
De l’émotion s’il vous plaies !
« …ce qui se prépare nous dépasse tous les deux ». J’ai retenu un bout de phrase de ce film pour ce qui suit. En effet, les tourments psychologiques que connaissent Moïse et Ramses sont bien perceptibles dans la BO car Alberto Iglesias a fait la part belle à des instruments solistes typiques du Moyen-Orient (duduk, kamânche, flûte ney) qui placent des solos exprimant isolement mental et méditation, lorsque certains solistes vocaux ne se mettent pas littérallement à gémir. Ces types d’interventions sont très courants dans la bande-son et on les retrouve notamment sur les pistes Alone In The Desert, Exodus, Moses And Nun, Animal Death, Ramses Own Plague, Journey To The Village et les très sombres Into the Water et Sword Into Water. Le compositeur tenait tant à ses solistes qu’il a même triché au mixage de The Chariots, faisant un kamânche submerger un orchestre nerveux… Mais outre ce travail typé sur les solistes Alberto Iglesias nous réserve aussi des passages lyriques orchestraux sublimes sur Returning To Memphis, Goodbyes, The Ten Commandments, tout en faisant émerger le thème héroïque de Moïse et le thème menaçant de Ramses à partir du milieu de la BO, comme pour démarquer clairement les 2 protagonistes désormais ennemis. Enfin, il ne faut pas oublier ses quelques clins d’œil à la musique de péplums des années 50 (Leaving Memphis), des clins d’oeil qui n’ont aucun mal à se fondre dans cette BO qui sonne tout de même contemporain finalement, avec un mélange inégal de percussions orientales et de percussions tribales modernes, et un mastering un peu trop propre, mais bon…
Avec la BO de Exodus : Gods and Kings, Iglesias et ses 2 serviteurs livrent un travail complet, à travers sa forte teinte moyen-orientale, ses magnifiques arrangements orchestraux épiques ou lyriques et une exploitation très émotionnelle des solistes, procurant la sensation d’un équilibre musical judicieux et juteux.
Didier Bianay